Journal d'un insensé
Un enfant vint m'aborder dans un rare moment de béatitude...
Il m'offrit ses insécurités, le cœur ouvert, sans retenue... et sans retenue, je lui ai scié les artères... sans hésitation, sans regret, sans nul vergogne...
Je le regardai tomber, en miettes, devant moi, son cœur arraché à la main...
Je fermai les yeux... et mon songe, qu'il venait de chasser, revint embrasser mes paupières accompagné d'une douce pulvérulence qui recouvrit mon corps d'un bonheur jusqu'alors méconnu des mortels...
Journal, doux comme tu es, penses-tu que je suis injuste? Pourtant, je n'ai fait que verser une goutte de mon sang dans ses veines... je lui ai fait gouter la souffrance de laquelle il se jouait. Je lui ai inculqué le véritable sens de ce mot, au zénith de sa puissance, poussé au summum de sa brutalité et de sa sauvagerie...
Il n'aura plus jamais mal...
Il ne connaitra plus que la sérénité...
Il ne pourra jamais égaler le gout de cette souffrance que je lui ai fait gouter...
J'ai été son sauveur inespéré.
Pourtant... l'éclat qui décorait son regard a disparu... son esprit est devenu aussi amorphe qu'un nuage lacéré par les vents...
Pourquoi est-il si ingrat? Il n'aura jamais pu apprendre seul ce que je lui ai inculqué, gâté comme il est, insignifiant, mal-éduqué, naïf, ignorant...
Je lui envie tant cette douce ignorance, cette naïveté qui lui est, si gracieusement, tolérée... Que des luxes qui ne m'avaient jamais été permis... monde cruel comme je te hais!
Je l'ai châtré? Non! Je lui ai offert une perle rare, mine de rien, sans rien demander en retour... L'eau est aussi douce que les pieux de glace sont mortels. Il devrait montrer de la gratitude... La vie peut devenir ignoble, sans préavis, et je l'y ai préparé!Qu'est ce que je suis bon! Cette générosité abondante me perdra un jour...
Et qu'est ce qu'il m'a offert en retour? Des excuses et un bout de silence insondable! L'ingrat!